Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t6.djvu/217

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Ne prenez pas ici le change, je vous supplie ; & de ce que je n’ai pas regardé les miracles comme essentiels au Christianisme, n’allez pas conclure que j’ai rejeté les miracles. Non, Monsieur, je ne les ai rejetés ni ne les rejette ; si j’ai dit des raisons pour en douter, je n’ai point dissimulé les raisons d’y croire : il y a une grande différence entre nier une chose & ne la pas affirmer, entre la rejetter & ne pas l’admettre ; & j’ai si peu décidé ce point, que je défie qu’on trouve un seul endroit dans tous mes Ecrits où je sois affirmatif contre les miracles.

Eh ! comment l’aurois-je été malgré mes propres doutes, puisque par-tout où je suis, quant à moi, le plus décidé, je n’affirme rien encore ? Voyez quelles affirmations peut faire un homme qui parle ainsi des sa Préface. *

[* Préface d’Emile, p. 111. ]

"À l’égard de ce qu’on appellera le parti systématique, qui n’est autre chose ici que la marche de la nature, c’est-là ce qui déroutera le plus les Lecteurs ; c’est aussi par-là qu’on m’attaquera sans doute, & peut-être n’aura-t-on pas tort. On croira moins lire un Traité d’éducation que les rêveries d’un visionnaire sur l’éducation. Qu’y faire ? Ce n’est pas sur les idées d’autrui que j’écris, c’est sur les miennes. Je ne vois point comme les autres hommes ; il y a long-tems qu’on me l’a reproché. Mais dépend-il de moi de me donner d’autres yeux, & de m’affecter d’autres idées ? Non il dépend de moi de ne point abonder dans mon sens, de ne point croire être seul plus sage que tout le monde ; il dépend de moi, non de changer de sentiment, mais de me défier du mien : voilà tout