Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t6.djvu/245

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brûler un comme superflu, pourvu que l’on conserve l’autre ? Sans doute, j’ai suivi du plus près que j’ai pu la doctrine de l’Evangile ; je l’ai aimée, je l’ai adoptée, étendue, expliquée, sans m’arrêter aux obscurités ; aux difficultés, aux mysteres, sans me détourner de l’essentiel : je m’y suis attaché avec tout le zele de mon cœur ; je me suis indigné, récrié de voir cette sainte Doctrine ainsi profanée, avilie, par nos prétendus Chrétiens, & sur-tout par ceux qui font profession de nous en instruire. J’ose même croire, & je m’en vante, qu’aucun d’eux ne parla plus dignement que moi du vrai Christianisme & de son Auteur. J’ai là-dessus le témoignage, l’applaudissement même de mes Adversaires, non de ceux de Geneve, à la vérité, mais de ceux dont, la haine n’est point une rage, & à qui la passion n’a point ôté tout sentiment d’équité. Voilà ce qui est vrai ; voilà ce que prouvent & ma Réponse au Roi de Pologne, & ma Lettre à M. d’Alembert, & l’Héloise, & l’Emile, & tous mes Ecrits qui respirent le même amour pour l’Evangile, la même vénération pour Jésus-Christ. Mais qu’il s’ensuive de-là qu’en rien je puisse approcher de mon Maître, & que mes Livres puissent suppléer a ses leçons, c’est ce qui est faux, absurde, abominable ; je déteste ce blasphême, & désavoue cette témérité. Rien ne peut se comparer à l’Evangi !e ; mais sa sublime simplicité n’est pas également à la portée de tout le monde. Il faut quelquefois, pour l’y mettre, l’exposer sous bien des jours. Il faut conserver ce Livre sacré comme la regle du Maître, & les miens comme les commentaires de l’Ecolier.