Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t6.djvu/262

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Il faut, pour bien juger de l’esprit de la Loi, se rappeler ce grand principe, que les meilleures Loix criminelles sont toujours celles qui tirent de la nature des crimes les châtimens qui leur sont imposés. Ainsi les assassins doivent être punis de mort, les voleurs de la perte de leur bien ; ou, s’ils n’en ont pas, de celle de leur liberté, qui est alors le seul bien qui leur reste. De même, dans les délits qui sont uniquement contre la Religion, les peines doivent être tirées uniquement de la Religion ; telle est, par exemple, la privation de la preuve par serment en choses qui l’exigent ; telle est encore l’excommunication, prescrite ici comme la peine la plus grande de quiconque a dogmatisé contre la Religion, sauf ensuite le renvoi au Magistrat, pour la peine civile due au délit civil, s’il y en a.

Or il faut se ressouvenir que l’Ordonnance, l’Auteur des Lettres, & moi, ne parlons ici que d’un délit simple contre la Religion. Si le délit étoit complexe, comme si, par exemple, j’avois imprimé, mon Livre dans l’Etat sans permission, il est incontestable que, pour être absous devant le Consistoire, je ne le serois pas devant le Magistrat.

Cette distinction faite, je reviens, & je dis : il y a cette différence entre les délits contre la Religion & les délits civils, que les derniers font aux hommes ou aux Loix un tort, un mal réel, pour lequel la sûreté publique exige nécessairement réparation & punition ; mais les autres sont seulement des offenses contre la Divinité, à qui nul ne peut nuire, & qui pardonne au repentir. Quand la Divinité est appaisée, il n’y a plus de délit à punir, sauf le scandale ; &