Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t6.djvu/37

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d’argumenter ainsi. Quoi, malheureux ! vous voulez anéantir les Gouvernements & les Loix ? Tandis que les Gouvernements & les Loix sont le seul frein du vice, & ont bien de la peine encore à le contenir ? Que seroit-ce grand Dieu ! si nous ne les avions plus ? Vous nous ôtez les gibets & les roues ; vous voulez établir un brigandage public. Vous êtes un homme abominable.

Si ce pauvre homme osoit parler, il diroit, sans doute : "Très-Excellent Seigneur, votre Grandeur fait une pétition de principe. Je ne dis point qu’il ne faut pas réprimer le vice, mais je dis qu’il vaut mieux l’empêcher de naître. Je veux pourvoir à l’insuffisance des loix, & vous m’alléguez l’insuffisance des Loix. Vous m’accusez d’établir les abus, parce qu’au-lieu d’y remédier, j’aime mieux qu’on les prévienne. Quoi ! S’il étoit un moyen de vivre toujours en santé, faudroit-il donc le proscrire, de peur de rendre les médecins oisifs ? Votre Excellence veut toujours voir des gibets & des roues, & moi je voudrois ne plus voir de malfaiteurs : avec tout le respect que je lui dois, je ne crois pas être un homme abominable."

Hélas ! M.T.C.F. Malgré les principes de l’éducation la plus saine & la plus vertueuse ; malgré les promesses les plus magnifiques de la Religion & les manaces les plus terribles, les écarts de la jeunesse ne sont encore que trop fréquens, trop multipliés. J’ai prouvé que cette éducation, que vous appellez la plus saine, étoit la plus insensée ; que cette éducation, que vous appellez la plus vertueuse, donnoit aux enfants tous leurs vices ; j’ai prouvé que toute la gloire du