Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t6.djvu/38

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paradis les tentoit moins qu’un morceau de sucre, & qu’ils craignoient beaucoup plus de s’ennuyer à Vêpres, que de brûler en Enfer ; j’ai prouvé que les écarts de la jeunesse, qu’on se plaint de ne pouvoir réprimer par ces moyens, en étoient l’ouvrage. Dans quelles erreurs, dans quels excès, abandonnee a elle-même, ne se precipiteroit-elle donc pas ? La jeunesse ne s’égare jamais d’elle-même : toutes ses erreurs lui viennent d’être mal conduite. Les camarades & les maîtresses achevent ce qu’ont commencé les Prêtres & les Précepteurs ; j’ai prouvé cela. C’est un torrent qui se déborde malgré les digues puissants qu’on lui avoit opposées : que seroit-ce donc si nul obstacle ne suspendoit ses flots, & ne rompoit ses efforts ? Je pourrois dire : c’est un torrent qui renverse vos impuissant digues & brise tout. Elargissez son lit & le laissez courir sans obstacle ; il ne sera jamais de mal. Mais j’ai honte d’employer, dans un sujet aussi sérieux, ces figures de College, que chacun applique à sa fantaisie, & quine prouvent rien d’aucun côté.

Au reste, quoique, selon vous, les écarts de la jeunesse ne soient encore que trop fréquents, trop multipliés, à cause de la pente de l’homme au mal, il paroît qu’à tout prendre, vous n’êtes pas trop mécontent d’elle, que vous vous complaisez assez dans l’éducation saine & vertueuse que lui donnent actuellement vos maîtres pleins de vertus, de sagesse & de vigilance ;que, selon vous, elle perdroit beaucoup à être élevée d’une autre maniere, & qu’au fond vous ne pensez pas de ce siecle, la lie des siecles, tout le mal que vous affectez d’en dire à la tête de vos Mandements.