Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t6.djvu/425

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chimérique, c’est ce que je viens d’examiner. Mon conseil n’est donc plus ici nécessaire ; l’Auteur des Lettres vous l’a donné pour moi. Tous les moyens de réclamer contre l’injustice sont permis quand ils sont paisibles, à plus forte raison sont permis ceux qu’autorisent les loix.

Quand elles sont transgressées dans des cas particuliers, vous avez le droit de Représentation pour y pourvoir. Mais quand ce droit même est contesté, c’est le cas de la garantie. Je ne l’ai point mise au nombre des moyens qui peuvent rendre efficace une Représentation ; les Médiateurs eux-mêmes n’ont point entendu l’y mettre, puisqu’ils ont déclaré ne vouloir porter nulle atteinte à l’indépendance de l’Etat, & qu’alors, cependant, ils auroient mis, pour ainsi dire, la clef du Gouvernement dans leur poche.*

[*La conséquence d’un tel systême eût été d’établir un Tribunal de la Médiation résidant à Geneve, pour connoîtra des transgressions des Loix. Par ce tribunal la souveraineté de la République eût bientôt été détruite ; mais la liberté des Citoyens eût été beaucoup plus assurée qu’elle ne peut l’être si l’on ôte le droit de Représentation. Or de n’être Souverain que de nom, ne signifie pas grand’chose ; mais d’être libre en effet signifie beaucoup.] Ainsi dans le cas particulier l’effet des Représentations rejetées est de produire un Conseil général ; mais l’effet du droit même de Représentation rejeté paroît être le recours à la garantie. Il faut que la machine ait en elle-même tous les ressorts qui doivent la faire jouer : quand elle s’arrête, il faut appeler l’Ouvrier pour la remonter.

Je vois trop où va cette ressource, & je sens encore mon cœur patriote en gémir. Aussi, je le répète, je ne vous propose rien ; qu’oserois-je dire ? Délibérez avec vos Concitoyens, & ne comptez les voix qu’après les avoir pesées. Défiez-vous