montré encore comment les leçons de la sagesse pouvoient retarder le développement de ces mêmes passions. Ce sont les mauvais effets de votre éducation que vous imputez à la mienne, & vous m’objectez les défauts que je vous apprends à prévenir. Jusqu’à l’adolescence j’ai garanti des passions le cœur de mon éleve ; & quand elles sont prêtes à naître, j’en recule encore le progrès par des soins propres à les réprimer. Plutôt, les leçons de la sagesse ne signifient rien pour l’enfant, hors d’état d’y prendre intérêt & de les entendre ; plus tard, elles ne prennent plus sur un cœur déjà livré aux passions. C’est au seul moment que j’ai choisi, qu’elles sont utiles : soit pour l’armer, ou pour le distraire ; il importe également qu’alors le jeune homme en soit occupé.
Vous dites : Pour trouver la jeunesse docile aux leçons qu’il lui prépare, cet Auteur veut qu’elle soit dénuée de tout principe de Religion. *
[*Ibid. V.] La raison en est simple ; c’est que je veux qu’elle ait une Religion, & que je ne lui veux rien apprendre dont son jugement ne soit en état de sentir la vérité. Mais moi, Monseigneur, si je disois :Pour trouver la jeunesse docile aux leçons qu’on lui prépare, on a grand soin de la prendre avant l’âge de raison. Ferois-je un raisonnement plus mauvais que le vôtre, & seroit-ce un préjugé bien favorable à ce que vous faites apprendre aux enfants ? Selon vous, je choisis l’âge de raison pour inculquer l’erreur ; & vous, vous prévenez cet âge pour enseigner la vérité. Vous vous pressez d’instruire l’enfant avant qu’il puisse discerner le vrai du faux ; & moi j’attends, pour le tromper qu’il