Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t6.djvu/517

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seroient les plus utiles à la Société. Où est le plus petit écolier de droit qui, ne dressera pas un code d’une morale aussi pure que celle des loix de Platon ? Mais ce n’est pas de cela seul qu’il s’agit. C’est d’approprier tellement ce code au Peuple pour lequel il est fait, & aux choses sur lesquelles on y statue, que son exécution s’ensuive du seul concours de ces convenances ; c’est d’imposer au Peuple, à l’exemple de Solon, moins les meilleures loix en elles -mêmes, que les meilleures qu’il puisse comporter dans la situation donnée. Autrement, il vaut encore mieux lasser subsister les désordres, que de les prévenir, ou d’y pourvoir par des loix qui ne seront point observées : car sans remédier au mal, c’est encore avilir les loix.

Une autre observation, non moins importante, est que les choses de mœurs & de justice universelle ne se reglent pas, comme celles de justice particuliere & de droit rigoureux, par des édits & par des loix ; ou si quelquefois les loix influent sur les mœurs, c’est quand elles en tirent leur force. Alors elles leur rendent cette même force par une sorte de réaction bien connue des vrais politiques. La premiere fonction des Ephores de Sparte, en entrant en charge, étoit une proclamation publique par laquelle ils enjoignoient aux citoyens, non pas d’observer les loix, mais de les aimer, afin que l’observation ne leur en fut point dure. Cette proclamation, qui n’etoit pas un vain formulaire, montre parfaitement l’esprit de l’institution de Sparte, par laquelle les loix & les L mœurs, intimement unies dans les cœurs des citoyens, n’y faisoient, pour ainsi dire, qu’un même corps. Mais ne nous flattons pas de voir Sparte renaître au sein du commerce & de