Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t6.djvu/533

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ceux d’aujourd’hui. Leurs Théâtres n’etoient point élevés par l’intérêt & par l’avarice ; ils. n’etoient point renfermes dans d’obscures prisons ; leurs Acteurs n’avoient pas besoin de mettre à contribution les Spectateurs, ni de compter du coin de l’œil les gens qu’ils voyoient paffer la porte, pour être sûrs de leur souper.

Ces grands & superbes Spectacles donnes sous le Ciel, à la face de toute une nation, n’offroient de toutes parts que des combats, des victoires, des prix, des objets capables d’inspirer aux Grecs une ardente émulation, & d’échauffer leurs cœurs de sentimens d’honneur & de gloire. C’est au milieu de cet imposant appareil, si propre à élever & remuer l’ame, que les Acteurs, animes du même zele, partageoient, selon leurs talens, les honneurs rendus aux vainqueurs des jeux, souvent aux premiers hommes de la nation. Je ne suis pas surpris que, loin de les avilir, leur métier, exerce de cette maniere, leur donnât cette fierté de courage & ce noble désintéressement qui sembloit quelquefois élever l’Acteur a son personnage. Avec tout cela, jamais la Grece, excepte Sparte, ne sur citée en exemple de bonnes mœurs ; & Sparte, qui ne souffroit point de Théâtre,*

[*Voyez sur cette erreur, la Lettre de M. Le Roi.

[On la trouvera dans la collection des Lettres de M. Rousseau, à la fin de ce Recueil.] n’avoit garde d’honorer ceux qui s’y montrent.

Revenons aux Romains qui, loin de suivre à cet égard l’exemple des Grecs, en donnerent un tout contraire. Quand