Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t6.djvu/571

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aimables personnes passent ainsi leurs jours, livrées aux occupations qui leur conviennent, ou à des amusemens innocens & simples, très-propres à toucher un cœur honnête & à donner bonne opinion d’elles. Je ne sais ce qu’elles ont dit, mais elles ont vécu ensemble ; elles ont pu parler des hommes, mais elles se sont passées d’eux ; & tandis qu’elles critiquoient si sévèrement la conduite des autres, au moins la leur étoit irréprochable.

Les cercles d’hommes ont aussi leurs inconvéniens, sans doute ; quoi d’humain n’a pas les siens ? On joue, on boit, on s’enivre, on passe les nuits ; tout cela peut être vrai, tout cela peut être exagère. Il y a par-tout mélange de bien & de mal, mais à diverses mesures. On abuse de tout axiome trivial, sur lequel on ne doit ni tout rejetter ni tout admettre. La regle pour choisir est simple. Quand le bien surpasse le mal, la chose doit être admise malgré ses inconvéniens ; quand le mal surpasse le bien, il la faut rejetter même avec ses avantages. Quand la chose est bonne en elle-même & n’est mauvaise que dans ses abus, quand les abus ne peuvent être. prévenus sans beaucoup de peine, ou tolères sans grand préjudice, ils peuvent servir de prétexte & non de raison pour abolir un usage utile ; mais ce qui est mauvais en soi sera toujours mauvais,*

[* Je parle dans l’ordre moral car dans l’ordre physique il n’y a rien d’absolument mauvais. Le tout est bien.] quoiqu’on fasse pour