Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t6.djvu/589

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que dans les grands Etats, quoiqu’on n’en trouve que dans les petits.

Quant à la Comédie, il n’y faut pas songer. Elle causeroit chez nous les plus affreux désordres ; elle serviroit d’instrument aux factions, aux partis, aux vengeances particulieres. Notre ville est si petite que les peintures de mœurs les plus générales dégénéreroient bientôt en satires & personnalités. L’exemple de l’ancienne, Athenes, ville incomparablement plus peuplée que Geneve, nous offre une leçon frappante : c’est au Théâtre qu’on y prépara l’exil de plusieurs grands hommes & la mort de Socrate, c’est par la fureur du Théâtre qu’Athenes périt & ses désastres ne justifièrent que trop le chagrin qu’avoit témoigné Solon, aux premieres représentations de Thespis. Ce qu’il y a de bien sur pour nous, c’est qu’il faudra mal augurer de la République, quand on verra les citoyens travestis en beaux-esprits, s’occuper à faire des vers François & des Pieces de Théâtre, talens qui ne sont point les nôtres & que nous ne posséderons jamais. Mais que M. de Voltaire daigne nous composer des Tragédies sur, le modele de la mort de César, du premier acte de Brutus, &, s’il nous faut absolument un Théâtre, qu’il s’engage