Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t6.djvu/629

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à la Sicile & à l’Italie, Minos aux Crétois, Solon à nous. S’agit-il des devoirs de la vie, du sage gouvernement de la maison, de la conduite d’un Citoyen dans tous les états ? Thalès de Milet & le Scythe Anacharsis donnerent à la fois l’exemple & les préceptes. Faut-il apprendre à d’autres ces mêmes devoirs, & instituer des Philosophes & des Sages qui pratiquent ce qu’on leur a enseigné ? Ainsi fit Zoroastre aux Mages, Pythagore à ses disciples, Lycurgue à ses concitoyens. Mais vous, Homere, s’il est vrai que vous ayez excellé en tant de parties ; s’il est vrai que vous puissiez instruire les hommes & les rendre meilleurs ; s’il est vrai qu’à l’imitation vous ayez joint l’intelligence & le savoir aux discours ; voyons les travaux qui prouvent votre habileté, les Etats que vous avez institués, les vertus qui vous honorent, les disciples que vous avez faits, les batailles que vous avez gagnées, les richesses que vous avez acquises. Que ne vous êtes-vous concilié des foules d’amis, que ne vous êtes-vous fait aimer & honorer de tout le monde ? Comment se peut-il que nous n’ayez attiré près de vous que le seul Cléophile ? encore d’en fites-vous qu’un ingrat. Quoi ! un Protagore d’Abdère, un Prodicus de Chio, sans sortir d’une vie simple & privée, ont attroupé leurs contemporains autour d’eux, leur ont persuadé d’apprendre d’eux seuls l’art de gouverner son pays, sa famille & soi-même ; & ces hommes si merveilleux, un Hésiode, un Homere, qui savoient tout, qui pouvoient tout apprendre aux hommes de leur tems, en ont été négligés au point d’aller errans, mendiant par-tout l’univers ; & chantant leurs vers de ville en ville, comme de vils Baladins ! Dans