Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t6.djvu/72

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toujours en même raison, non dans les individus, mais dans les peuples ; distinction que j’ai toujours soigneusement faite, & qu’aucun de ceux qui m’ont attaqué n’a jamais pu concevoir.

J’ai cherché la vérité dans les livres ; je n’y ai trouvé que le mensonge & l’erreur. J’ai consulté les Auteurs ; je n’ai trouvé que des charlatans qui se font un jeu de tromper les hommes, sans autre loi que leur intérêt, sans autre Dieu que leur réputation ; prompts à décrier les chefs qui ne les traitent pas à leur gré, plus prompts à louer l’iniquité qui les paye. En écoutant les gens à qui l’on permet de parler en public, j’ai compris qu’ils n’osent ou ne veulent dire que ce qui convient à ceux qui commandent, & que payés par le fort pour précher le foible, ils ne savent parler au dernier que de ses devoirs, & à l’autre que de ses droits. Toute l’instruction publique tendra toujours au mensonge tant que ceux qui la dirigent trouveront leur intérêt à mentir ; & c’est pour eux seulement que la vérité n’est pas bonne à dire. Pourquoi serois-je le complice de ces gens-là ?

Il y a des préjugés qu’il faut respecter ? Cela peut être : mais c’est quand d’ailleurs tout est dans l’ordre, & qu’on ne peut ôter ces préjugés sans ôter aussi ce qui les rachete ; on laisse alors le mal pour l’amour du bien. Mais lorsque tel est l’état des choses, que plus rien ne sauroit changer qu’en mieux, les préjugés sont-ils si respectables qu’il faille leur sacrifier la raison, la vertu, la justice, & tout le bien que la vérité pourroit faire aux hommes ? Pour moi, j’ai promis de la dire en toute chose utile, autant qu’il seroit en moi ;