Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t6.djvu/88

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tort de suivre la Religion de son pere. La raison de la tranquillité publique est toute contre les persécuteurs. La Religion n’excite jamais de troubles dans un Etat que quand le parti dominant veut tourmenter le parti foible, ou que le parti foible, intolérant par principe, ne peut vivre en paix avec qui que ce soit. Mais tout culte légitime, c’est-à-dire, tout culte où se trouve la Religion essentielle, & dont, par conséquent, les sectateurs ne demandent que d’être soufferts & vivre en paix, n’a jamais causé ni révoltes ni guerres civiles, si ce n’est lorsqu’il a fallu se défendre & repousser les persécuteurs. Jamais les Protestants n’ont pris les armes en France que lorsqu’on les y a poursuivis. Si l’on eût pu se résoudre à les laisser en paix, ils y seroient demeurés. Je conviens sans détour qu’à sa naissance la Religion réformée n’avoit pas droit de s’établir en France, malgré les lois. Mais lorsque, transmise des Peres aux enfants, cette Religion fut devenue celle d’une partie de la Nation Françoise, & que le Prince eut solemn ellement traité avec cette partie par l’Edit de Nantes ; cet Edit devint un Contrat inviolable, qui ne pouvoit plus être annullé que du commun consentement des deux parties ; & depuis ce temps, l’exercice de la Religion Protestante est, selon moi, légitime en France.

Quand il ne le seroit pas, il resteroit toujours aux sujets l’alternative, de sortir du Royaume avec leurs biens, ou d’y rester soumis au culte dominant. Mais les contraindre à rester sans les vouloir tolérer, vouloir à la fois qu’ils soient & qu’ils ne soient pas, les priver même du droit de la nature,