Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t7.djvu/114

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tacherai d’être plus court, quoique je n’y trouve gueres moins d’observations à faire.

Ce n’est pas des Sciences, me dit-on, c’est du sein des richesses que sont nés de tout tems la mollesse & le luxe. Je n’avois pas dit non plus, que le luxe fut ne des Sciences ; mais qu’ils etoient nés ensemble & que l’un n’alloit gueres sans l’attire. Voici comment j’arrangerois cette généalogie. La premiere source du mal est l’inégalité ; de l’inégalité sont venues les richesses ; car ces mots de pauvre & de riche sont relatifs, & par-tout ou les hommes seront égaux, il n’y aura ni riches ni pauvres. Des richesses sont nés le luxe & l’oisiveté ; du luxe sont venus les beaux-Arts, & de l’oisiveté les Sciences. Dans aucun tems les richesses n’ont été l’appanage des Savans. C’est en cela même que le mal est plus grand, les riches & les savans ne servent qu’a se corrompre mutuellement. Si les riches etoient plus savans, ou que les savans fussent plus riches ; les uns seroient de moins lâches flatteurs ; les autres aimeroient moins la basse flatterie, & tous en vaudroient mieux. C’est ce qui peut se voir par le petit nombre de ceux qui ont le bonheur d’être savans & riches tout à la fois. Pour un Platon dans l’opulence, pour un Aristippe accrédite à la Cour, combien de Philosophes réduits au manteau & la besace, enveloppes dans leur propre vertu & ignores dans leur solitude ? Je ne disconviens pas qu’il n’y ait un grand nombre de Philosophes très-pauvres, & surement très-fâches de l’être : je ne doute pas non plus que ce ne soit à leur seule pauvreté, que la plupart d’entr’eux doivent leur Philosophie ; mais quand je voudrois bien les supposer venteux, seroit-ce sur leurs mœurs que le peuple