Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t7.djvu/283

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il reconnoiſſoit les uns, s’informoit des autres, & les aidoit tous de ſa bourſe ou de ſon crédit. Il entre-mêloit tout cela de fréquentes plaintes, de diſcours équivoques ſur Galba, & de ce qu’il y a de plus propre à émouvoir le Peuple. Les fatigues des marches, la rareté des vivres, la dureté du commandement, il envenimoit tout, comparant les anciennes & agréables navigations de la Campanie & des Villes Grecques avec les longs & rudes trajets des Pyrénées & des Alpes, où l’on pouvoit à peine ſoutenir le poids de ſes armes.

Pudens, un des confidens de Tigellinus ſéduiſant diverſement les plus remuans, les plus obérés, les plus crédules, achevoit d’allumer les eſprits déjà échauffés des Soldats. Il en vint au point que chaque fois que Galba mangeoit chez Othon l’on diſtribuoit cent ſeſterces par tête à la cohorte qui étoit de garde, comme pour sa part du festin ; distribution que sous l’air d’une largesse publique Othon soutenoit encore par d’autres dons particuliers. Il étoit même ſi ardent à les corrompre, & la ſtupidité du Préfet qu’on trompoit juſques ſous ſes yeux fut ſi grande que, ſur une diſpute de Proculus lancier de la garde avec un voiſin pour quelque borne commune, Othon acheta tout le champ du voiſin & le donna à Proculus.

Ensuite il choisit pour chef de l’entrepriſe qu’il méditoit Onomaſtus un de ſes affranchis, qui, lui ayant amené Barbius & Veturius tous deux bas officiers des gardes, après les avoir trouvés à l’examen ruſés & courageux, il les chargea de dons, de promeſſes, d’argent pour en gagner d’autres, & l’on vit