Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t7.djvu/313

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Alors tout ſe fit au gré des ſoldats. Les Prétoriens ſe choiſirent eux-mêmes leurs Préfets. A Firmus, jadis Manipulaire, puis Commandant du guet, & qui du vivant même de Galba s’étoit attaché à Othon, ils joignirent Licinius Proculus, que ſon étroite familiarité avec Othon fit ſoupçonner d’avoir favoriſé ſes deſſeins. En donnant à Sabinus la Préfecture de Rome, ils ſuivirent le ſentiment de Néron ſous lequel il avoit eu le même emploi ; mais le plus grand nombre ne voyoit en lui que Veſpaſien son frere. Ils ſolliciterent l’affranchiſſement des tributs annuels que, ſous le nom de congés à tems les ſimples ſoldats payoient aux Centurions. Le quart des Manipulaires étoit aux vivres ou diſperſé dans le Camp, & pourvu que le droit du Centurion ne fût pas oublié, il n’y avoit ſorte de vexation dont ils s’abſtinſſent, ni ſorte de métier dont ils rougiſſent. Du profit de leurs voleries & des plus ſerviles emplois ils payoient l’exemption du ſervice militaire, & quand ils s’étoient enrichis, les Officiers les accablant de travaux & de peine les forçoient d’acheter de nouveaux congés. Enfin, épuiſés de dépenſe & perdus de molleſſe ils revenoient au manipule pauvres & fainéans, de laborieux qu’ils en étoient partis & de riches qu’ils y devoient retourner. Voilà comment, également corrompus tour-à-tour par la licence & par la miſere ils ne cherchoient que mutineries, révoltes & guerres civiles. De peur d’irriter les Centurions en gratifiant les ſoldats à leurs dépens, Othon promit de payer du fiſc les congés annuels ; établiſſement utile, & depuis confirmé par tous les bons Princes pour le maintien de la diſcipline. Le Préfet Lacon qu’on feignit de reléguer dans une iſle, fut tué par un garde envoyé pour cela par Othon. Icelus fut puni publiquement en qualité d’affranchi.