Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t7.djvu/401

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pas ſans cauſe. Après un ſon fort bruyant de l’organe dont il parloit le plus aiſément, ſon dernier mot fut ; foin ! je me ſuis embrené. Je ne ſais au vrai ce qu’il fit de lui, mais ainſi faiſoit-il toutes choses.

Il ſeroit ſuperflu de dire ce qui s’eſt paſſé depuis ſur la terre. Vous le ſavez tous, & il n’eſt pas à craindre que le public en perde la mémoire. Oublia-t-on jamais ſon bonheur ? Quant à ce qui s’eſt paſſé au Ciel, je vais vous le rapporter, & vous devez s’il vous plaît, m’en croire. D’abord on annonça à Jupiter un Quidam d’aſſez bonne taille, blanc comme une chevre, branlant la tête & traînant le pied droit d’un air fort extravagant. Interrogé d’où il étoit, il avoit murmuré entre ſes dents je ne ſais quoi, qu’on ne put entendre, & qui n’étoit ni grec ni latin ni dans aucune langue connue.

Alors Jupiter s’adreſſant à Hercule qui ayant couru toute la terre en devoit connoître tous les peuples, le chargea d’aller examiner de quel pays étoit cet homme. Hercule, aguerri contre tant de monſtres, ne laiſſa pas de se troubler en abordant celui-ci : frappé de cette étrange face, de ce marcher inuſité, de ce beuglement rauque & ſourd, moins semblable à la voix d’un animal terreſtre qu’au mugiſſement d’un monstre marin, ah, dit-il, voici mon treizieme travail ! Cependant en regardant mieux il crut démêler quelques traits d’un homme. Il l’arrête & lui dit aiſément en Grec bien tourné.

D’où viens-tu, quel es-tu, de quel pays es-tu ?