Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t8.djvu/15

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PRÉFACE.


J’ai écrit cette comédie à l’âge de dix-huit ans, & je me ſuis gardé de la montrer, auſſi long-tems que j’ai tenu quelque compte de la réputation d’Auteur. Je me ſuis enfin ſenti le courage de la publier, mais je n’aurai jamais celui d’en rien dire. Ce n’est donc pas de ma piece, mais de moi-même qu’il s’agit ici.

Il faut, malgré ma répugnance, que je parle de moi ; il faut que je convienne des torts que l’on m’attribue, ou que je m’en juſtifie. Les armes ne ſeront pas égales, je le ſens bien ; car on m’attaquera avec des plaiſanteries, & je ne me défendrai qu’avec des raiſons : mais pourvu que je convainque mes adverſaires, je me ſoucie très-peu de les perſuader ; en travaillant à mériter ma propre eſtime, j’ai appris à me paſſer de celle des autres, qui, pour la plupart, ſe paſſent bien de la mienne. Mais s’il m’importe gueres qu’on penſe bien ou mal de moi, il m’importe que personne n’ait droit d’en mal penſer, & il importe à la vérité que j’ai ſoutenue, que ſon défenſeur ne ſoit point accuſé juſtement de ne lui avoir prêté ſon ſecours que par caprice ou par vanité, ſans l’aimer & ſans la connoître.