Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t8.djvu/29

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que son indifférence pour le reste de l’univers. La famille, la patrie deviennent pour lui des mots vuides de sens : il n’est ni parent, ni citoyen, ni homme ; il est Philosophe.

En même tems que la culture des sciences retire en quelque sorte de la presse le cœur du Philosophie, elle y engage en un autre sens celui de l’homme de Lettres & toujours avec un égal préjudice pour la vertu. Tout homme qui s’occupe des talons agréables veut plaire, être admire, & il veut être admire plus qu’un autre. Les applaudissemens publics appartiennent à lui seul : je dirois qu’il fait tout pour les obtenir, s’il ne faisoit encore plus pour en priver ses concurrens. De-la naissent d’un cote les rafinemens du goût & de la politesse ; vile & basse flatterie, soins séducteurs, insidieux, pueriles, qui, à la longue, rappetissent l’ame & corrompent le cœur ; & de l’autre, les jalousies, les rivalités, les haines d’Artistes si renommées, la perfide calomnie, la fourberie, la trahison, & tout ce que le vice à de plus lâche ; de plus odieux. Si le Philosophe méprise les hommes, l’Artiste s’en fait bientôt mépriser, & tous deux concourent enfin à les rendre méprisables.

Il y a plus ; & de toutes les vérités que j’ai proposées à la considération des sages, voici la plus étonnante & la plis cruelle. Nos ecrivains regardent tous comme le chef-d’œuvre