sur cette matiere. Voici maintenant les conclusions que j’en ai tirées.
La science n’est point faite pour l’homme en général. Il s’égare sans cesse dans sa recherche ; & s’il l’obtient quelquefois, ce n’est presque jamais du’a son préjudice. Il est ne pour agir & penser, & non pour réfléchir. La réflexion ne sert qu’a le rendre malheureux sans le rendre meilleur ni plus sage : elle lui fait regretter les biens passes & l’empêche de jouir du présent : elle lui présente l’avenir heureux pour le séduire par l’imagination & le tourmenter par les desirs, & l’avenir malheureux pour le lui faire sentir d’avance. L’étude corrompt ses mœurs, altere sa santé, détruit son tempérament, & gâte souvent sa raison ; si elle lui apprenoit quelque chose, je le trouverois encore fort mal dédommage.
J’avoue qu’il y a quelques génies sublimes qui savent pénétrer à travers les voiles dont la vérité s’enveloppe ; quelques ames privilégiées, capables des résister à la bêtise de la vanité, à la basse jalousie, & aux autres passions qu’engendre le goût des Lettres. Le petit nombre de ceux qui ont le bonheur de réunir ces qualités, est la lumière & l’honneur du genre-humain ; c’est à eux seuls qu’il convient pour le bien de tous de s’exercer à l’étude, & cette exception même confirme la regle ; car si tous les hommes etoient des Socrates, la science