Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t8.djvu/451

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blement l’homme de ses semblables, & sur ce foyer rustique brûle le feu sacré qui porte au fond des cœurs le premier sentiment de l’humanité.

Dans les pays chauds, les sources & les rivieres, inégalement dispersées, sont d’autres points de réunion d’autant plus nécessaires que les hommes peuvent moins se passer d’eau que de feu : les barbares surtout, qui vivent de leurs troupeaux, ont besoin d’abreuvoirs communs, & l’histoire des plus anciens tems nous apprend qu’en effet c’est là que commencerent & leurs traités & leurs querelles. La facilité des eaux peut retarder la société des habitans dans les lieux bien arrosés. Au contraire, dans les lieux arides il fallut concourir à creuser des puits, à tirer des canaux pour abreuver le bétail : on y voit les hommes associés de tems presque immémorial, car il falloit que le pays restât désert ou que le travail humain le rendît habitable. Mais le penchant que nous avons à tout rapporter à nos usages rend sur ceci quelques réflexions nécessaires.

Le premier état de la terre différoit beaucoup de celui où elle est aujourd’hui, qu’on la voit parée ou défigurée par la main des hommes. Le chaos, que les Poëtes ont feint dans


Voilà donc ces êtres raisonneurs qui forment, dit-on, devant l’homme une société fugitive, dont, cependant, l’intelligence n’a pu s’élever jusqu’à tirer d’un caillou des étincelles, et les recueillir, ou conserver au moins quelques feux abandonnés ! Par ma foi les philosophes se moquent de nous tout ouvertement. On voit bien par leurs écrits qu’en effet ils nous prennent pour des bêtes.

(*) Voyez l’exemple de l’un et de l’autre au chapitre XXI de la Genèse, entre Abraham et Abimelec, au sujet du puits du serment.