Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t8.djvu/502

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être une ; & en accoutumant les oreilles a dédaigner le chant pour n’écouter que la symphonie, ils parviendroient enfin à ne faire servir les voix que d’accompagnent a l’accompagnement.

Voilà par quel moyen la Musique d’une telle Nation se diviseroit en Musique vocale & Musique instrumentale ; voilà comment, en donnant des caracteres differens a ces deux especes, on en seroit un tout monstrueux. La symphonie voudroit aller en mesure, & le chant ne pouvant souffrir aucune gêne, on entendroit souvent dans les mêmes morceaux les Acteurs & l’Orchestre se contrarier & se faire obstacle mutuellement. Cette incertitude & le mélange des deux caracteres introduiroient dans la maniere d’accompagner, une froideur & une lâcheté qui se tourneroit tellement en habitude, que les Symphonistes ne pourroient pas, même en exécutant de bonne Musique, lui laisser de la force & de l’énergie. En la jouant comme la leur, ils l’énerveroient entièrement ; ils feroient fort les doux, doux les fort, & ne connoîtroient pas une des nuances de ces deux mots. Ces autres mots, rinsorzando, dolce, *

[*Il n’y a peut-être pas quatre Symphonistes François qui sachent la différence de piano & dolce, & c’est fort inutilement qu’ils la sauroient ; car, qui d’entr’eux seroit en etat de la rendre ?] risoluto, congusto, spiritoso, sostenuto, con brio, n’auroient pas même de synonymes dans leur langue, & celui d’expression n’y auroit aucun sens. Ils substitueroient je ne sais combien de petits ornemens froids & maussades a la vigueur du coup d’archet. Quelque nombreux que fut l’Orchestre, il ne feroit aucun effet, ou n’en