Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t8.djvu/523

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sans enjamber. Quand on joint ensemble les deux parties, ce qui doit se faire rarement & durer peu ; il faut trouver un chant susceptible d’une marche par tierces, ou par sixtes, dans lequel la seconde partie fasse son effet sans distraire l’oreille de la premiere. Il faut garder la dureté des dissonances, les sons perçans & renforces, le fortissimo de l’Orchestre pour des instans de désordre & de transport, ou les Acteurs semblant s’oublier eux-mêmes, portent leur égarement dans l’ame de tout Spectateur sensible, & lui sont éprouver le pouvoir de l’harmonie sobrement ménagée. Mais ces instans doivent être rares & amènes avec art. Il faut, par une Musique douce & affectueuse, avoir déjà dispose l’oreille & le cœur a l’émotion, pour que l’un & l’autre se prêtent a ces ébranlemens violens, & il faut qu’ils passent avec la rapidité qui convient à notre foiblesse ; car quand l’agitation est trop forte, elle ne sauroit durer, & tout ce qui est au-delà de la Nature ne touche plus.

En disant ce que les Duo doivent être, j’ai dit précieusement ce qu’ils sont dans les Opéra Italiens. Si quelqu’un a pu entendre sur un Théâtre d’Italie un Duo tragique chante par deux bons Acteurs, & accompagne par un véritable Orchestre, sans en être attendri ; s’il a pu d’un œil sec assister aux adieux de Mandane & d’Arbace, je le tiens digne de pleurer a ceux de Lybie & d’Epaphus.

Mais sans insister sur les Duo tragiques, genre de Mutique dont on n’a pas même l’idée à Paris, je puis vous citer un Duo comique qui est connu de tout le monde, & je le citerai hardiment comme un modele de chant, d’unité,