Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t8.djvu/531

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grands morceaux de Musique Italienne qui ravissent ; ces chefs-d’œuvre de génie qui arrachent des larmes, qui offrent les tableaux les plus frappans, qui peignent les situations les plus vives, & portent dans l’ame toutes les passions qu’ils expriment, les François les appellent des Ariettes. Ils donnent le nom d’airs à ces insipides chansonnettes, dont ils entre-mêlent les scenes de leurs Opéra, & réservent celui de monologues par excellence à ces traînantes & ennuyeuses lamentations, à qui il ne manque pour assoupir tout le monde, que d’être chantées juste & sans cris.

Dans les Opéra Italiens tous les airs sont en situation & sont partie des scenes. Tantôt c’est, un pere désespéré qui croit voir l’ombre d’un fils qu’il a fait mourir injustement, lui reprocher sa cruauté : tantôt c’est un prince débonnaire, qui, force de donner un exemple de sévérité, demande aux Dieux de lui ôter l’empire, ou de lui donner un cœur moins sensible. Ici c’est une mere tendre qui verse des larmes en retrouvant son fils qu’elle croyoit mort. Là, c’est le langage de l’amour, non rempli de ce fade & puérile galimatias de flammes & de chaînes, mais tragique, vis, bouillant, entrecoupe, & tel qu’il convient aux passions impétueuses. C’est sur de telles paroles qu’il sied bien de déployer toutes les richesses d’une Musique pleine de force & d’expression, & de renchérir sur l’énergie de la Poésie par celle de l’harmonie & du chant. Au contraire, les paroles de nos ariettes, toujours détachées du sujet, ne sont qu’un misérable jargon emmielle, qu’on est trop heureux de ne pas entendre : c’est une collection faite au hazard du très-petit nombre de mots sonores