Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t8.djvu/575

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qu’on fasse, encore moins ce qu’il sait lui-même. Il entend seulement que l’harmonie guide l’artiste, sans qu’il y songe, dans l’invention de sa mélodie, & que toutes les fois qu’il fait un beau chant, il suit une harmonie régulière ; ce qui doit être vrai, par la liaison que l’art a mise entre ces deux parties, dans tous les pays ou l’harmonie a dirige la marche des sons, les regles du chant, & l’accent musical : car ce qu’on appelle chant prend alors une beauté de convention, laquelle n’est point absolue, mais relative au système harmonique, & a ce que, dans ce système, on estime plus que le chant.

Mais si la longue routine de nos successions harmoniques guide l’homme exerce & le Compositeur de profession ; quel fut le guide de ces ignorans, qui n’avoient jamais entendu d’harmonie, dans ces chants que la nature a dictes long-tems avant l’invention de l’Art ? Avoient-ils donc un sentiment d’harmonie antérieur l’expérience ; & si quelqu’un leur eut fait entendre la Basse-fondamentale de l’air qu’ils avoient compose, pense-t-on qu’aucun d’eux eut reconnu-là son guide, & qu’il eut trouve le moindre rapport entre cette Basse & cet air ?

Je dirai plus. À juger de la mélodie des Grecs par les trois ou quatre airs qui nous en restent, comme il est impossible d’ajuster sous ces airs une bonne Basse-fondamentale, il est impossible aussi que le sentiment de cette Basse ; d’autant plus régulière qu’elle est plus naturelle, leur ait suggère ces mêmes airs. Cependant cette mélodie qui les transportoit, etoit excellente a leurs oreilles, & l’on ne peut douter que la notre