Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t9.djvu/254

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le rapport de 11 à 8, ainsi que tout Théoricien doit l`appercevoir au premier coup-d’œil.

J’en appelle maintenant à l’expérience & à l’oreille des Musiciens. Qu’on écoute combien la Cadence imparfaite de la sous- Dominante à la Tonique est dure & sauvage, en comparaison de cette même Cadence dans sa place naturelle, qui est de la Tonique à la Dominante. Dans le premier cas, peut-on dire que l’oreille ne desire plus rien après l’ Accord de la Tonique ? N’attend-on pas, malgré qu’on en ait, une suite ou une fin ? Or, qu’est-ce qu’une Tonique après laquelle l’oreille desire quelque chose ? Peut-on la regarder comme une véritable Tonique, & n’est-on pas alors réellement dans le Ton de fa tandis qu’on pense être dans celui d’ut ? Qu’on observe combien l’ Intonation diatonique & successive de la quatrieme Note cet de la Note sensible, tant en montant qu’en descendant, paroît étrangere au Mode, & même pénible à la Voix. Si la longue habitude y accoutume l’oreille & la Voix du Musicien, la difficulté des Commençans à entonner cette Note doit lui-montrer assez combien elle est peu naturelle. On attribut cette difficulté aux trois Tons consécutifs : ne devroit-on pas voir que ces trois Tons consécutifs, de même que la Note qui les introduit, donnent une Modulation barbare qui n’a nul fondement dans la Nature ? Elle avoit assurément mieux guidé les Grecs, lorsqu’elle leur fit arrêter leur Tétracorde précisément au mi de notre échelle ; c’est-à-dire, à la Note qui précede cette quartrieme ; ils aimerent mieux prendre cette quatrieme en dessous, & ils trouverent ainsi avec leur seule oreille, ce que toute notre théorie harmonique n’a pu encore nous faire appercevoir.