Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t9.djvu/327

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se fait sentir dans les Chants qu’elle inspire : mais quand la douleur est vive ou qu’il se passe dans l’ ame de grands combats, la parole est inégale ; elle marche alternativement avec la lenteur du Spondée & avec la rapidité du Pyrrique, & souvent s’arrête tout court comme dans le Récitatif obligé : c’est pour cela que les Musiques les plus expressives, ou du moins les plus passionnées, sont communément celles où les Tems, quoiqu’égaux entr’eux, sont le plus inégalement divises ; au lieu que l’image du sommeil, du repos, de la paix de l’ ame, se peint volontiers avec des Notes égales, qui ne marchent ni vîte, ni lentement.

Une observation que le Compositeur ne doit pas négliger, c’est que plus l’Harmonie est recherchée, moins le mouvement doit être vif, afin que l’esprit ait le tems de saisir la marche des Dissonances & le rapide enchaînement des Modulations ; il n’y a que le dernier emportement des passions qui permette d’allier la rapidité de la mesure & la dureté des Accords. Alors quand la tête est perdue & qu’à forcé d’agitation l’Acteur semble ne savoir plus ce qu’il dit, ce désordre énergique & terrible peut se porter ainsi jusqu’à l’ ame du Spectateur & le mettre de même hors de lui. Mais si vous n’êtes bouillant & sublime, vous ne serez que baroque & froid ; jettez vos Auditeurs dans le délire, ou gardez-vous d’ y tomber : car celui qui perd la raison n’est jamais qu’un insensé aux yeux de ceux qui la conservent, & les foux n’intéressent plus.

Quoique la plus grande forcé de l’Expression se tire de la combinaison des Sons, la qualité de leur timbre n’est pas