Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t9.djvu/513

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’on avoir dû choisir. Pour soutenir une si sorte illusion, il salut épuiser tout ce que l’art humain pouvoir imaginer de plus séduisant chez un Peuple où le goût du plaisir & celui des beaux Arts régnoient à l’envi. Cette Nation célebre à laquelle il ne reste de son ancienne grandeur que celle des idées dans les beaux Arts, prodigua son goût, ses lumieres pour donner ce nouveau Spectacle tout l’éclat dont il avoir besoin. On vit s’élever par toute l’Italie des Théâtres égaux en étendue aux Palais des Rois, & en élégance aux monumens de l’antiquité dont elle étoit remplie. On inventa, pour les orner, sera de la Perspective & de la Décoration. Les Artistes dans chaque genre y firent à l’envi briller leurs talens. Les machines les plus ingénieuses, les vols les plus hardis, les tempêtes, la foudre, l’éclair, & tous les prestiges de la baguette furent employés à fasciner les yeux, tandis que des multitudes d’Instrumens & de voix étonnoient les oreilles.

Avec tout cela l’action restoit froide, & toutes les situations manquoient d’intérêt. Comme il n’y avoir point d’intrigue qu’on ne dénouât facilement à l’aide de quelque Dieu, le Spectateur, qui connoissoit tout le pouvoir du Poete, se reposoit tranquillement sur lui du soin de tirer ses Héros des plus grands dangers. Ainsi l’appareil étoit immense & produisoit peu d’effet, parce que l’imitation étoit toujours imparfaite & grossiere, que l’action prise hors de la Nature étoit sans intérêt pour nous, & que les sens se prêtent mal à l’illusion quand le cœur ne s’en mêle pas ; de sorte qu’à tout compter il eût été difficile d’ennuyer une assemblée à plus grands frais.