Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t9.djvu/519

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choisit & se fixe à une image plutôt qu’à l’autre. Alors le Musicien, s’il a plus d’art que le Poete, l’efface & le fait oublier :l’Acteur voyant que le Spectateur sacrifie les paroles à la Musique, sacrifie à son tour le geste & l’action théâtral au chant & au brillant de la voix ; ce qui fait tout-à-fait oublier la Piece, & change le Spectacle en un véritable Concert. Que si l’avantage, au contraire, se trouvé du côté du Poete, la Musique, à son tour, deviendra presque indifférente, & le Spectateur, trompé par le bruit, pourra prendre le change au point d’attribuer à un mauvais Musicien le mérite d’un excellent Poete, & de croire admirer des chef-d’œuvres d’Harmonie, en admirant des Poemes bien composés.

Tels sont les défauts que la perfection absolue de la Musique & son défaut d’application à la Langue peuvent. introduire dans les Opéra à proportion du concours de ces deux causes. Sur quoi l’on doit remarquer que les Langues les plus propres à fléchir sous les loix de la Mesure & de la Mélodie sont celles où la duplicité dont je viens de parler est le moins apparente, parce que la Musique se prêtant seulement aux idées de la Poésie, celle-ci se prête à son tour aux inflexions de la Mélodie ; & que, quand la Musique cessé d’observer le Rhythme, l’accent &. l’Harmonie du vers, le vers se plie & s’asservit à la cadence de la Mesure & à l’accent musical. Mais lorsque la Langue n’a ni douceur ni flexibilité, l’âpreté de la Poésie l’empêche de s’asservir au Chant, la douceur même de la Mélodie l’empêche de se prêter à la bonne récitation des vers, & l’on sent dans l’union