Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t9.djvu/520

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forcée de ces deux Arts une contrainte perpétuelle qui choque l’oreille & détruit à la fois l’attrait de la Mélodie & l’effet de la Déclaration. Ce défaut est sans remede, & vouloir à toute forcé appliquer la Musique à une Langue qui n’est pas musicale, c’est lui donner plus de rudesse qu’elle n’en auroit sans cela.

Par ce que j’ai dit jusqu’ici, l’on a pu voir qu’il y a plus de rapport entre l’appareil des yeux ou la décoration, & la Musique ou l’appareil des oreilles, qu’il n’en paroît entre deux sens qui semblent n’avoir rien de commun ; & qu’à certains égards l’Opéra constitué comme il est, n’est pas un tout aussi monstrueux qu’il paroît l’être. Nous avons vu que, voulant offrir aux regards l’intérêt & les mouvemens qui manquoient à la Musique, on avoit imaginé les grossiers prestiges des machines & des vols, & que jusqu’à ce qu’on fut nous émouvoir, on s’étoit contenté do nous surprendre. Il est donc très-nature que la Musique devenue passionnée & pathétique, ait renvoyé sur les Théâtres des Foires ces mauvais supplémens dont elle n’avoit plus besoin sur le sien. Alors l’Opéra, purgé de tout ce merveilleux qui l’avilissoit, devint un Spectacle également touchant & majestueux, digne de plaire aux gens de goût & d’intéresser les cœurs sensibles.

Il est certain qu’on auroit pu retrancher de la pompe du Spectacle autant qu’on ajoutoit à l’intérêt de l’action ; car plus on s’occupe des personnages, moins on est occupé des objets qui les entourent : mais il faut, cependant, que le lieu de la Scene soit convenable aux Acteurs qu’on y fait parler ; & l’imitation de la Nature, souvent plus difficile &