Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t9.djvu/524

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peut exciter par un autre ; &, comme le rapport ne peut être sensible que l’impression ne soit forte, la peinture, dénuée de cette forcé, rend difficilement à la Musique les imitations que celle-ci tire d’elle. Que toute la Nature soit endormie, celui qui la contemple ne dort pas, & l’art du Musicien consiste à substituer à l’image insensible de l’objet, celle des mouvemens que sa présence excite dans l’esprit du Spectateur : il ne représente pas directement la chose ; mais il réveille dans notre ame le même sentiment qu’on éprouve en la voyant.

Ainsi, bien que le Peintre n’ait rien à tirer de la Partition du Musicien, l’habile Musicien ne sortira point sans fruit de l’attelier du Peintre. Non-seulement il agitera la mer à son gré les flammes d’un incendie, sera couler les ruisseaux, tomber la pluie & grossir les torrens ; mais il augmentera l’horreur d’un désert affreux, rembrunira les murs d’une prison souterraine, calmera l’orage, rendra l’air tranquille, le Ciel serein, & répandra, de l’Orchestre, une fraîcheur nouvelle sur les bocages.

Nous venons de voir comment l’union des trois Arts qui constituent la Scene lyrique, forme entr’eux un tout très-bien lié. On a tenté d’y en introduire un quatrieme, dont il me reste à parler.

Tous les mouvemens du corps, ordonnés selon certaines loix pour affecter les regards par quelque action, prennent en général le nom de gestes. Le geste se devise en deux especes, dont l’une sert d’accompagnement à la parole de l’autre de supplément. Le premier, naturel à tout homme