Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t9.djvu/595

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Les Grecs pouvoient chanter en parlant ; mais chez nous il faut parler ou chanter ; on ne sauroit faire à la sois l’un & l’autre. C’est cette distinction même qui nous a rendu le Récitatif nécessaire. La Musique domine trop dans nos Airs, la Poésie y est presque oubliée. Nos Drames lyriques sont trop chantés pour pouvoir l’être toujours. Un Opéra qui ne seroit qu’une suite d’Airs ennuieroit presque autant qu’un seul Air de la même étendue. Il faut couper & séparer les Chants par de la parole ; mais il faut que cette parole soit modifiée par la Musique. Les idées doivent changer, mais la Langue doit rester la même. Cette Langue une fois donnée, en changer dans le cours d’une Piece, seroit vouloir parler moitié François, moitié Allemand. Le passage du discours au Chant, & réciproquement, est trop disparate ; il choque à la fois l’oreille & la vraisemblance : deux interlocuteurs doivent parler ou chanter ; ils ne sauroient faire alternativement l’un & l’autre. Or le Récitatif est le moyen d’union du Chant & de la parole ; c’est lui qui sépare & distingue les Airs, qui repose l’oreille étonnée de celui qui précede, & la dispose à goûter celui qui suit : enfin c’est à l’aide du Récitatif que ce qui n’est que dialogue, récit, narration dans le Drame, peut se rendre sans sortir de la Langue donnée, & sans déplacer l’éloquence des Airs.

On ne mesure point le Récitatif en chantant : Cette Mesure, qui caractérise les Airs, gâteroit la déclamation récitative. C’est l’Accent, soit grammatical, soit oratoire, qui doit seul diriger la lenteur ou la rapidité des Sons, de même que leur élévation ou leur abaissement. Le Compositeur,