Page:Rousseau - Du Contrat social éd. Beaulavon 1903.djvu/119

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Cette liberté commune est une conséquence de la nature de l’homme (’). Sa première loi est de veiller à sa propre conservation, ses premiers soins sont ceux qu’il se doit à lui-même ; et sitôt qu’il est en âge de raison, lui seul étant juge des moyens propres à le conserver, devient par là son propre maître.

La famille est donc, si l’on veut ( â ), le premier modèle des sociétés politiques : le chef est l’image du père, le peuple est l’image des enfants ; et tous, étant nés égaux et libres, n’aliènent leur liberté que pour leur utilité. Toute la différence est que, dans la famille, l’amour du père pour ses enfants le paye des soins qu’il leur rend ; et que, dans l’Etat, le plaisir de commander supplée à cet amour que le chef n’a pas pour ses peuples ( 3 ).

(1) Cette liberté primitive et commune, c’est-à-dire également possédée par tous, n’est ici fondée par Rousseau sur aucun principe métaphysique, mais sur les conditions en quelque sorte physiologiques de la vie elle-même : la liberté est la conséquence de cette loi de conservation qui pousse tous les êtres à durer, à vouloir vivre, et sans laquelle la vie disparaîtrait. La famille, en tant que lien naturel et pendant la jeunesse de l’enfant seulement, puis la liberté de ce même enfant devenu capable de subvenir à ses besoins, en résultent également : ce sont d’abord des instincts et des faits nécessaires ; la raison intervient ensuite pour les justifier, les diriger et les limiter.

(2) Rousseau accepte, à la rigueur, la comparaison classique et banale de la société et de la famille. Mais il a voulu d’abord établir que la famille elle-même, en tant qu’elle survit au premier besoin naturel, est le résultat d’une convention tacite. La ressemblance de la société avec la famille ne pourra donc plus servir d’objection contre la thèse de Rousseau, à savoir que toutes les institutions sociales reposent sur une convention.

(3) Signalons ici, une fois pour toutes, ce ton d’ironie