Page:Rousseau - Du Contrat social éd. Beaulavon 1903.djvu/129

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LIVRE PREMIER II()

dans leur primitive indépendance, n'ont point entre eux de rapport assez constant pour constituer ni l'état de paix ni l'état de guerre, ils ne sont point naturellement ennemis. C'est le rapport des choses et non des hommes qui constitue la guerre ; et l'état de guerre ne pouvant naître des simples relations personnelles, mais seulement des relations réelles, la guerre privée, ou d'homme à homme, ne peut

app.II). Voici à quoi elle se ramène. — Il ne faut pas- con- fondre la guerre avec les conflits armés de toute sorte qui peuvent surgir entre les hommes. En effet, une lutte quelconque ne confère aucun droit spécial : deux forces sont aux prises, et voilà tout ; or la force ne saurait créer un droit, comme on l'a vu. Aussi, pour qu'on puisse invoquer un prétendu droit de la guerre, il faut réserver ce mot à des conflits d'une nature spéciale, à la lutte de deux peuples pour modifier un certain état de choses. Ce ne sont donc point les individus, en tant que tels, qui ont querelle, et la guerre ne saurait leur donner des droits ni sur la vie ni sur la liberté des individus vaincus, aussitôt du moins qu'est terminée la bataille où ces individus agis- saient en champions de leur Etat. Bien plus, elle ne peut donner de tels droits à l'Etat lui-même, pris dans son ensemble : car cet État ne faisait pas la guerre à des indi- vidus particuliers, mais à un autre Etat, dont ces individus n'étaient que l'instrument: Et enfin, comme l'objet de la guerre était un intérêt matériel, une modification à apporter dans les « relations réelles » et non personnelles des hom- mes, le vainqueur ne peut avoir d'autres droits que ceux qui se rapportent à cet objet : il peut, par exemple, imposer aux vaincus tel traité de commerce, telle modification de territoire, mais il ne peut, sans injustice, toucher aux droits individuels des hommes, droits qui n étaient pas en ques- tion. On ne peut donc s'appuyer sur la guerre pour justifier les restrictions apportées à la liberté des hommes. — Il est permis de préférer à . ces subtilités compliquées le raisonnement beaucoup plus simple et plus fort qui termine le chapitre.

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