Page:Rousseau - Du Contrat social éd. Beaulavon 1903.djvu/21

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pour la Corse[1] prouvent que le Contrat lui semblait réalisable, non seulement dans son esprit, mais parfois dans sa lettre[2]. En tout cas, consciemment ou inconsciemment, il a bien proposé aux hommes un idéal révolutionnaire : c’est ainsi qu’il a été compris dès l’abord par tout le monde et l’on sait quelle en fut par la suite l’extraordinaire influence. En déterminant les conditions universelles et nécessaires d’un État fondé sur le droit naturel, il montrait de quels principes on devait s’inspirer pour introduire dans l’État la liberté et la justice.

Le problème du Contrat en détermine nécessairement la méthode. Cette méthode ne peut être l’expérience, car comment l’étude des faits pourrait-elle prouver le droit ? Sans doute, il y a eu de bons et de mauvais gouvernements, mais le meilleur de tous n’était tel que parce qu’il remplissait les conditions nécessaires de toute bonne organisation sociale. « Ce qui est bien et conforme à l’ordre est tel par la nature des choses et indépendamment des conventions humaines[3]. » C’est donc le raisonnement a priori qui peut seul démontrer ce que doit être l’État : il faut déduire la politique, en la rattachant à des principes qui en fassent comprendre la légitimité. Peut-être, dans les deux derniers livres du Contrat, Rousseau a-t-il étendu cette méthode à des problèmes pratiques où elle était insuffisante. Mais, pour établir les principes du droit politique, la méthode a priori était seule légitime et seule possible[4]. Repro-

  1. Œuvres et correspond. inédites de J.-J. R., publiées par Streckeisen-Moultou, Paris, 1861.
  2. Cf. les curieuses paroles que Rousseau comptait sans doute adresser aux Corses, et la formule du serment, ibid., Fragments, p. 116.
  3. C. s., II, vi.
  4. Cf. Henry Michel, l’Idée de l’État, avant-propos, p. VIII : « Les inconvénients de la méthode a priori me semblent tenir moins à sa nature même qu’à l’emploi qu’on en fait, lorsqu’on