Page:Rousseau - Du Contrat social éd. Beaulavon 1903.djvu/94

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84 INTRODUCTION

pierre, après avoir attaqué la superstition et distingué le Dieu des prêtres et le Dieu de la nature, termina par ce mot : « les ennemis de la république, ce sont les hommes corrompus ! (*) ». Déjà, aux Jacobins, Robes- pierre avait justifié les mêmes idées en citant le chapitre du Contrat social sur la religion civile, dont il avait vanté la profondeur et l'utilité ( 2 ). C'est donc bien le souci de la morale et de la vertu, le désir de « purifier » la volonté générale, c'est-à-dire l'esprit du fameux chapitre de Rousseau, qui a directement déterminé la

teste contre toute pensée d'introduire dans les gouvernements des changements radicaux (notamment, Jug. sur la Polysy- nodie de l'Abbé de St- Pierre, t. V, p. 93 et suiv. ; et C. s., II, m; 6 e et 7 e Lettres de la Montagne); et on a répété que Rous- seau s'accommodait fort bien de la monarchie ou de l'aristocratie. — Mais, il ne faut pas oublier, que si Rousseau proclame toutes les formes de gouvernement valables selon les circonstances, c'est que, pour lui, la forme du gouvernement est secondaire, car « tout Etat légitime est républicain ». Le principe de la souve- raineté populaire est au cœur de son système. — Quant à savoir s'il eût approuvé la Révolution, comment décider une pareille question ? En tout cas, il ne suffît pas d'invoquer les condam- nations anticipées qu'on en trouve dans son œuvre, car combien parmi les plus décidés des Montagnards en auraient pu écrire autant â l'époque où écrivait Rousseau, ou même à la veille de la Révolution ! Nul ne pouvait prévoir les circontances d'où est sortie la Terreur. En tous cas, l'idée de Robespierre, l'idée de donner les forces morales de la vertu pour appui à la force matérielle, de détruire toutes les organisations qui résistent à l'unité et d'imposer celle-ci de force, par une sorte de dictature momentanée, justifiée par le salut public, en attendant qu'une organisation régulière de la démocratie fût possible, me paraît tout à fait conforme à la pensée de Rousseau.

(*) L. Blanc, XI, xi; Aulard, le Culte de la Raison, XXII et XXIII.

( 2 ) Séance de la Société des Jacobins du 15 mai 1794 (Aulard, la Société des Jacobins, t. VI, p. 134). Robespierre demande cependant qu'on a présente avec ménagements... cette vérité professée par J.-J. Rousseau, qu'il faut bannir de la République tous ceux qui ne croient pas a la divinité » ; ce serait effrayer une trop grande « multitude d'imbéciles ou d'hommes corrom- pus ». — Carrier, Couthon, etc. développèrent les mômes idées.

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