Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/126

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[ LIVRE U. — CHAP. VI. 6g ` systéme de legislation? Delui-meme le peuple veut toujours le bien, mais de lui-meme il ne le voit pas toujours. La vo- lonté générale est toujours droite., mais le jugement qui la guide n’est pas toujours éclairé. Il faut lui faire voir les objets tels qu’ils sont, quelquefois tels qu’ils doivent lui paraitre, lui montrer le bon chemin qu’elle cherche, la ga- rantir des séductions des volontés particuliéres, rapprocher a ses yeux les lieux et les temps (1), balancer l’attrait des avantages présents et sensibles par Ie danger des maux éloignés etcachés. Les particuliers voient le bien qu’ils re- jettent; le public veut le bien qu’il ne voit pas. Tous ont également besoin de guides. Ilfaut obliger les uns A confor- mer leurs volontés a leur raison; il faut apprendreal’autre _ a connaitre ce qu’il veut. Alors des lumiéres publiques résulte l’union de l’entendement et de la volonté dans le corps social; de la l’exact concours des parties, et enfin la plus grande force du tout. Voila d’onZ1 nait la nécessité d’un législateur (2). (1) P1.41·ox, Le Politique. - La loi ne pouvant iamais embrasser ce qu’il y a de véritablement meilleur et de plus iuste pour tout 21 la fois ne peut non plus en donner ce qu’il y a de plus excellent. Car les differences qui distin- guent tous les hommes et routes les actions et Vincessante variété des choseshumaines toujours en mouvement ne permcttent pash un artquelqu’il soit d’établi1· une régle simple ct unique qui convienne a tous les hommes et dans tous les temps... (2) R. Emile, liv. li. - Ily a deux sortes dc dépendances : celle deschoses qui est de la nature; celle des hommes, qui est de la société. La dépen· dance des choses, n’ayant aucune moralité, ne nuit point 21 la liberté et n’engendre point de vices : la dépendance des hommes étant désordonnée les engendre tous, et c’est par elle que le maitre et l’esclave se dépravent mu- tuellement. S‘i1 y a quelque moyen de remédier ia ce mal dans la société, c°est de substituer la loi a l’homme, et d’armer les volontés générales d’une force réelle, supérieure a l’action de toute volonté paijticuliere. Si les lois des nations pouvaient avoir, comme celles de la nature, une intiexibilité que jamais aucune force humaine ne pf1tvainc1·e,la dependence des bommes redeviendrait alors celle des choses; on réunirait dans la république tous les avantages de l’état naturel a ceux de l’état civil ; on joindrait A la liberté, qui maintient Phomme exempt de vices, la moralité, qui Péleve 21 la vertu.