Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/155

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98 DU CONTRAT SOCIAL. D’un autre coté, l’agrandissement de l’Etat donnant aux dépositaires de l’autorité publique plus de tentations et de moyens d’abuser de leur pouvoir, plus le gouvernement doit avoir de force pour contenir le peuple, plus le souve- rain doit en avoir a son tour pour contenir le gouver- nement. Je ne parle pas ici d’une force absolue, mais de la force relative des diverses parties de l‘Etat. Il suit de ce double rapport que la proportion continue entre le souverain, le prince et le peuple, n’est point une idée arbitraire, mais une conséquence nécessaire de la nature du corps politique. Il suit encore que l’un des extrémes, savoir le peuple, comme sujet, étant fixe et re- présenté par l’unité, toutes les fois que la raison doublée augmente ou diminue, la raison simple augmente ou di- minue semblablement, et que par conséquent le moyen terme est changé. Ce qui fait voir qu’il n’y a pas une con- stitution du gouvernement unique et absolue, mais qu’il peut y avoir autant de gouvernements diiférents en nature que d’Etats diiférents en grandeur. Si, tournant ce systeme en ridicule, on disait que, pour trouver cette moyenne proportionnelle et former lc corps du gouvernement, il ne faut, selon moi, que tirer la racine carrée du nombre du peuple, je répondrais que je ne prends ici ce nombre que pour un exemple; que les rapports dont je parle ne se mesurent pas seulement par le nombre des hommes, mais en général par la quantité d’action, laquelle se combine par des multitudes de causes; qu’au reste, si, pour m’exprimer en moins de paroles, j’emprunte un mo- ment des termes de géométrie, je n’ignore pas cependant que la précision géométrique n’a point lieu dans les quan- tités morales. le sens de ce mot bonheur, assez indéterminé pour les individus, l’est encore plus pour les peuples et c’cst de la diversité des idées qu’on se fait la-dessus que nait celle des maximes politiques qu’on se propose. Tachons donc de nous former par supposition l’idée d’un peuple heureux et puis nous établi- rons nos régles sur cette idée. I I