Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/179

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

I22 DU CONTRAT SOCIAL. A l’égard des convenances particulieres, il ne faut ni un Etat si petit, ni un peuple si simple et si droit, que l’exécution des lois suive immédiatement de la volonté publique, comme dans une bonne démocratie. Il 11e faut pas non plus une si grande nation, que les chefs épars pour la gOl1VCI`IICI` p�lSSCI'l[ II`8IICh€l` (lll SOl1VCI`8lIl Ch3ClJI'l d&I1S SOII dép8l`ICII'1€I1I, Ct COI1’1I1'1Cl'1C€I'p&I` SC I'CIldI'C lIIdép€Ild3IlIS pour devenir enfin les maitres. Mais si l’aristocratie exige quelques vertus de moins que le gouvernement populaire, elle en exige aussi d’autres qui lui sont propres, comme la modération dans les riches (1), (1) Aatsrors, Politique, liv. VI, chap. 1x. - Quelle est la meilleure con- stitution". en se bornant pour les individus A cette vie que la plupart peuvent mener, et pour les Etats it ce genre de constitution qu’ils peuvent presque tous recevoir... Le bonheur consiste dans 1’exe1·cice facile et permanent de la vertu, et la vertu n’est qu’un milieu entre deux extremes... C’est évidemment, d°apres les memes principes, qu’on pourra juger de l’excellence ou des vices de l’Etat ou de la constitution, car la constitution est la vie meme de l’Etat. Or, tout Etat renferme trois classes distinctes: les citoyens riches, les citoyens pauvres et les citoyens aisés dont la position tient le milieu entre ces deux extremes. Pour donc qu’on convient que la modération et le milieu en toutes choses sont ce qu’il y a de mieux, il s’ensuit évidemment qu’en fait de fortune la moyenne propriété sera aussi la plus convenable de toutes... La pauvreté empeche de savoir commander et elle n’apprend qu’a obéir en esclave; 1’extreme opulence empéche 1’homme de se soumettre a une au- torité quelconque et ne lui enseigne qu’a commander avec tout le despo- tisme d’un maitre. On ne voit alors dans l’Etat que maitres et esclaves et pas un seul homme libre. Ici, jalousie envieuse,1a, vanité méprisante, si loin l’une et l’autre de cette bienveillance réciproque et de cette fraternité so- ciale qui est la suite de la bienveillance. ...Ce qu’il faut surtout a la cité, ce sont des étres égaux et semblables, qualités qui se trouvent avant tout dans les situations moyennes, et l’Etat est nécessairement mieux gouverné quand il se compose de ces éléments qui en forment, selon nous, la base naturelle... Les Etats bien administrés sont ceux ou la classe moyenne est plus nom- breuse et plus puissante que les deux autres réunies ou du moins que chacune d’elles séparément. En sc rangeant de l’un ou l’autre cote elle reta- blit l’équilibre et empeche qu’une prépondérance excessive ne se forme. C’est donc un grand bonheur que les citoyens aient une fortune modeste, mais suffisante 21 leurs besoins. Partout ou la fortune extreme est a coté de l’ex- treme indigence, ces deux exces amenent ou la démagogie absolue, ou l’oli- garchie pure, ou la tyrannie...