Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/185

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a donné de grandes aux peuples. Le Prince de Machiavel est le livre des républicains(a) (1).

Nous avons trouvé, par les I‘&pp0I`tS gét1éI`&LlX, que la

de leur représenter ce qu’un Roi a droit de faire en vertu de sa dignité, mais ce que feraient les Rois qui seraient établis contre Dieu et contre la loi lorsqu’ils auraient le pouvoir en main.

(a) Machiavel était un honnéte homme et un bon citoyen; mais, attaché Ala maison de Médicis, il était forcé, dans l’oppression de sa patrie, de déguiser son amour pour la liberté. Le choix seul de son exécrable héros manifeste assez son intention secrete; et I°opposition des maximes de son livre du Prince A celles de ses Discours sur Tite-Live, et de son Histoire de Florence, démontre que ce profond politique n’a eu jusqu’ici que des lec- teurs superficiels ou corrompus. La cour de Rome a séverement défendu son livre : je le crois bien ; c°est elle qu’il dépeint le plus clairement. (Note du Contra! social, edition de t782.)

(1) Spinoza, T ractatus politicus, chap. v.— Quibus autem mediis princeps, qui sola dominandi libidine fertur, uti debet, ut imperium stabilire et con- servare possit acutissimus Machiavellus prolixe ostendit; quem autcm in fi- nem non satis constare videtur. Si quem tamen bonum habuit ut de viro sapiente credendum est, fuisse videtur, ut ostenderet, quam imprudenter multi tyrannum c medio tollere conantur, quum tamen causae, cur princeps sit tyrannus, tolli nequeant, sed contra eo magis ponantur, quo principi major timendi causa praebetur; quod fit quando multitudo exempla in prin- cipem edidit et parricidio quasi re bene_ gcsta gloriatur. Praeterea ostendere forsan voluit, quantum libera multitudo cavere debet ne salutem suam uni absolute credat, qui nisi vanus sit et omnibus se posse placere existimet, quotidie insidias timere debet, atque adeo sibi potius cavere et multitudini contra insidiari magis quam cavere cogitur. Et ad hoc de prudentissimo isto viro credendum magis adducor, quia pro libertate fuisse constat, ad quam etiam tuendam saluberrima consilia dedit.

De quels moyens un prince qui n’est poussé que par l'appétit déréglé de dominer doit-il se servir pour fortifier et conserver l’empire ? C’est ce que le tres pénétrant Machiavel a montré, fort au long ; dans quel but ? on ne le voit pas assez clairement. Si ce fut dans une bonne intention, comme il faut le présumer d’un homme sage, il a voulu montrer l’imprudence de ceux qui, en si grand nombre, s’efforcent de se débarrasser d’un tyran lorsque les causes qui, des princes font des tyrans, ne peuvent etre supprimées, mais au contraire ces causes sont établies avec d’autant plus de force que l’on donne au prince de plus grands motifs de crainte; et cc qui arrive, lorsque la multitude fait des exemples contre les princes et glorifie le parricide comme un acte de justice. En outre, il a peut-etre voulu montrer combien une libre multitude doit se garder de confier entièrement son salut à un seul homme qui, à moins de pousser la vanité jusqu’à croire qu’il peut plaire à tous, doit craindre chaque jour des embûches et, par suite, veiller plutôt à sa conservation et tendre de son coté des pièges à la multitude que veiller aux intérets de celle-ci. Et je suis d’autant plus enclin à porter ce jugement sur ce tres prudent homme, qu’il est constant qu’il fut un partisan de la liberté, pour la défense de laquelle il a donne les conseils les plus salutaires.