Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/265

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208 DU CONTRAT SOCIAL. senter mille cas auxquels le législateur n’a point pourvu, et c’est une prévoyance tres nécessaire de sentir qu’on ne peut tout prévoir (1). Il ne faut donc pas vouloir aliermir les institutions politiques jusqu’a s’oter le pouvoir d’en suspendre l’eifet. Sparte elle-meme a laissé dormir ses lois. Mais il n’y a que les plus grands dangers qui puissent balancer celui d’altérer l’ordre public, et 1’on ne doit jamais arréter le pouvoir sacré des lois que quand il s’agit du salut de la patrie. Dans ces cas rares et manifestes, on pourvoit a la sureté publique par un acte particulier qui en remet la charge au plus digne. Cette commission peut se donner de i deux maniéres, selon l’espece du danger. Si, pour y remédier, il suffit d’augmenter l’activité du gouvernement, on le concentre dans un ou deux de ses membres: ainsi ce n’est pas l’autorité des lois qu’on altére, mais seulement la forme de leur administration. Que si le péril est tel que l’appareil des lois soit un obstacle a s’en · garantir, alors on nomme un chef supréme, qui fasse taire toutes les lois et suspende un moment l’autorité souveraine. En pareil cas, la volonté générale n’est pas douteuse, et il est évident que la premiere intention du peuple est que l’Etat ne périsse pas. De cette manire la suspension de l’au- torité législative ne l’abolit point : le magistrat qui la fait taire ne peut la faire parler; il la domine sans pouvoir la représenter. Il peut tout faire, excepté des lois (2). . Le premier moyen s’employait par le sénat romain quand (1) Mxcmxvn., Discours sur Tite·Live, liv. I, chap. xxxiv. — La marcbe du gouvernement dans unc République est ordinairement trop lente... Or, dans un Etat bien constitué, il ne doit survenir aucun événement pour le- quel on ait besoin de recourir 21 des moyens extraordinaires". L’habitude de violer la constitution pour faire le bien, autorise ensuite A la violer pour colorer le mal. (2) Mxcmxvm., Discours sur Tite—Live, liv. l, chap. xxxrv. — Son auto- rité (du dictateur) consistait a pouvoir prendre par lui-meme tous les moyens d‘écarter ce péril présent, a tout faire sans etre obligé de prendre conseil, 11 punir sans appel; mais il ne pouvait rien ordonner qui altérat la