Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/363

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296 DU CONTRAT SOCIAL. Que si l’on demande comment, dans le paganisme, oit chaque Etat avait son culte et ses dieux tutélaires (1), il n’y avait point de guerre de religion, je réponds que c’était par cela méme que chaque Etat, ayant son culte (2) particulier aussi bien que son gouvernement, ne distinguait point ses dieux de ses lois. La guerre, étant purement ci- vile, était tout ce qu’elle pouvait étre : les départements des dieux ° étaient pour ainsi dire iixés par les bornes des nations. Le dieu d’un peuple n’avait aucun droit sur un autre peuple. Les dieux des paiens n’étaient point des dieux jaloux; ils partageaient paisiblement entre eux l’empire du monde; l’obligation d’embrasser une religion ne venait que de celle d’étre soumis aux lois qui la prescrivaient. Comme il n’y avait donc point d’autre maniere de conve rtir un peuple que de l’as· servir, C’€flI été un discours inutile que de lui dire : it Adore mes dieux ou je t’attaque; » l’obligation de (3) changer de culte étant attachée a la victoire, il fallait commencer par vaincre avant d’en parler. En un _ mot, loin que les hommes combattissent pour les dieux, c’était, comme dans Homere, les dieux qui combattaient pour les hommes. Les Romains, avant de prendre une place, sommaient ses dieux de l’abandonner (4), et quand ils laissaient aux Tarentins leurs dieux irrités, c’est qu’ils les regardaient alors comme soumis aux leurs, et forcés a leur faire hommage. Ils laissaient aux vaincus leurs dieux, comme ils leur laissaient leurs lois. Une couronne d’or au Jupiter du Capitole était souvent Ie seul tribut qu’ils exigeaient. (a) nk Or, si malgré cette mutuelletolérance la superstition paienne, au milieu des lettres et de mille vertus, engendra tant de cruautés, je ne vois point qu’il soit possible de concilier les droits d’une reli- gion nationale avec ceux de Phumanité; il vaut donc mieux attacher les citoyens a l’Etat par des liens moins forts et plus doux, et n’avoir ni héros, ni fanatiques (5) >(<. Reste la religion de l’homme, ou le christianisme; non pas celui d’aujourd’hui, celui de l’Evangile. Par cette religion saiute, sublime, véritable (6), les hommes, enfants du méme Dieu, se reconnaissent tous pour fréres; et la société qui les unit est d’autant plus étroite qu’elle ne se dissout pas meme a la mort.Cependant, cette méme re- ligion, n’ayant nulle relation particuliere a la constitution de l’Etat (7), laisse aux lois politiques et civiles la seule force que leur donne le (1) Sa religion particuliére. (2) Ses dieux et sa religion, combattant pour ses Dieux en combattant pour ses lois. (3) De servir les Dieu: du vainqueur ne venant que de la victoire. (4) La quitter. (5) On lit au verso du feuillet 48; La religion n’emp3che pas les scélérats de com- mettre des crimes, mais elle empéche beaucoup de gen: de deuenir des scélérats. On eut bien de la peine d donner aux anciens Pidée de ces homme: brouillons et séditieux qu'on appelle missionnaire:. (6) La seule véritable. (7) Ne Jonne aueune force nouvelle au Contrat social. (a) Le passage entre croix n’a pas passé du manuscrit dans Pédition du Contra!.