Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/387

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I 314 DU CONTRAT SOCIAL. l’indignation s’élévent au fond de mon cuaur. Ah! philosophe bar- bare (1), viens nous lire ton livre sur un champ de bataille. , Quelles entrailles d’hommes ne seraient pas émues a ces tristes I objets, mais (2) il n’est plus permis d’étre homme et de plaider Ia cause de l’humanité, la justice et la vérité doivent étre pliées at 1’in— térét des plus puissants, c’est la régle. Le peuple ne donne ni pen- sions, ni emplois, ni chaires, ni places d’académies; en vertu de quoi le protégerait-on (a). Princes magnanimes de qui nous attendons tout; je parle au nom du corps littéraire. Opprimez le peuple en siireté de conscience (3)... Comment (4) une aussi faible voix se ferait-elle entendre a travers tant de clameurs vénales. Hélasl il faut me taire, mais la voix de mon cmur ne saurait-elle penser a tracer un si triste sillon, non sans entrer dans d’odieux détails qui passeraient pour satiriques par cela seul qu’ils seraientvrais. Je me bornerai, comme j’ai toujours fait, acura- miner les établissements humains, par leurs principes; A corriger, s’il l se peut, les fausses idées que nous en donnent des auteurs intéressés, et a faire au moins que l’injustice et la violence ne prennent pas impu· I demment le nom de droit et d’équité. La premiere chose que je remarque (5), en considérant la position l du genre humain, c’est une contradiction manifeste dans sa constitu- tion, qui la rend toujours vacillante (6). D’h. a h., nous vivons dans ‘ l’état civil et soumis aux lois. De peuple a peuple, chacun jouit de sa liberté naturelle; ce qui rend au fond notre situation pire que si ces l distinctions étaient inconnues; car vivant a la fois dans l’ordre social ( et dans l’état de nature, nous sommes assujettis aux inconvénients de ) l’un et de l’autre (7) sans trouver la sureté dans aucun des deux. La perfection de l’ordre social consiste, il est vrai, dans le concours de ( la force et de la loi; mais il faut pour cela que la loi dirige la force, au lieu que dans les idées de l’indépendance absolue des princes, la seule force parlant aux citoyens sous le nom de loi et aux étrangers sous le nom de raison d’Etat, 6te a ceux-ci le pouvoir et aux autres la volonté de résister, en sorte que le vain nom de justice ne sert pour I tous que de sauvegarde a la violence (b). (1) Va lire ton livre. l (2) On n`0se. (3) Ici une ligne illisible. (4) Espércr. l (3) Dans. (6) De sorte que vivant ei la fois dans l’état social et dans l‘état de nature, il est l sujet aux inconvénients de l'un el de l'autre, sans en avoir le: avarttages et auxquels

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;et:x qu’il donne la préférence, ses precautions sont insufjisantes pour s’y main-

(7) En avoir les avantage:. (a) Contra: social, liv. ll, chap. 11. — La vérité ne méne point a la fortune et le peuple nc donne ni ambassades, ni chaires, ni pensions. (b) Emile, liv. V. — Nous examinerons si l‘on n`a pas fait trop ou trop peu dans l'in· stitution sociale; si les individus soumis aux lois et aux hommes, tandis que lcs sociétés I I