Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/43

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sur la constitution de l’État, Essai sur la formation du Corps politique, Essai sur la formation de l’État, Essai sur Ia forme de la République, autant de versions qui feront place à une nouvelle qui ne se trouve pas dans le manuscrit, et qui, on le sait, est celle de Principes du droit politique. Nous avons cru devoir publier en fac-similé ces curieuses variations, qui semblent montrer non pas que l’idée du Contrat n’a pas chez Rousseau toute l’importance qu’on lui attribue d’ordinaire, mais qu’il ne trouvait peut-être pas bon de souligner trop ses intentions. Cette particularité du manuscrit de Genève montre assez que cette étude des originaux n’est pas sans intérêt et qu’on peut y faire des découvertes piquantes sur Rousseau. Comme nous en avertit judicieusement le savant professeur Ritter, il y a encore de riches filons à explorer ; bien des pièces curieuses le concernant doivent se cacher dans les archives domestiques. Mais, à notre avis, c’est surtout dans la correspondance des hommes célèbres qu’il faut chercher des renseignements inédits. Quant aux œuvres proprement dites, du moins celles qui ont été publiées par l’auteur, il faut se montrer très réservé, en particulier quand il s’agit de fragments et de morceaux isolés. Nous découvrons sur un manuscrit des lignes jetées à la hâte, a la plume ou au crayon : est-ce à dire qu’elles expriment toujours la pensée de celui qui les a écrites ? Savons-nous d’où elles viennent et où elles tendent ? et si ce sont de simples notes, des idées étrangères transcrites au hasard des lectures, ou des pensées personnelles et originales ? Telle phrase, improvisée de la sorte, peut fort bien formuler une opinion qu’on ne partage pas et même qu’on se propose de réfuter.

L’inédit est parfois curieux, mais n’est pas toujours probant. Il faut en user, comme de tout ce qui amuse, avec prudence et circonspection[1].

On fait la chasse à l’inédit pour interpréter la pensée de Rousseau. Mais cette pensée est-elle si peu nette qu’on ait besoin de verres grossissants pour l’examiner ? Il est peu d’écrivains qui aient écrit avec plus de clarté que Rousseau ; il n’en est

  1. Il serait très utile, pour une nouvelle édition des œuvres complètes de Rousseau, de discerner les variations de son écriture aux diverses époques de sa vie.