Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/468

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

I . APPENDICE VII. 395 considérer les religions comme vraies ou fausses, ni méme comme bonnes ou mauvaises en elles-mémes, mais de les considérer unique- ment par leurs rapports aux corps politiques, et comme parties de la législation. Dans cette vue, l’auteur fait voir que toutes les anciennes reli- gions, sans en excepter la juive, furent nationales dans leur origine, appropriées, incorporées ia l’Etat, et formant la base, ou du moins faisant partie du systeme législatit. Le christianisme, au contraire, est dans son prineipe une religion universelle qui n’a rien d’exclusif, rien de local, rien de propre a tel pays p1ut6t qu’a tel autre. Son divin auteur, embrassant également tous les hommes dans sa charité sans bornes, est venu lever la bar- riere qui séparait les nations, et réunir tout le genre humain dans un peuple de fréres : u Car, en toute nation, celui qui le craint et qui s’adonne A la justice lui est agréable (1). » Tel est le véritable esprit de 1·Ev¤¤g11e. Ceux qui ont voulu faire du christianisme une religion nationale et l’introduire comme partie constitutive dans le systéme de la légis- lation ont fait par la deux fautes nuisibles, l’une a la religion, et l’autre a l’Etat. Ils se sont écartés de l’esprit de Jésus-Christ, dont le régne n’est pas de ce monde; et, mélant aux intéréts terrestres ceux de la religion, ils ont souillé sa pureté céleste, ils en ont fait l’arme des tyrans et l’instrument des persécuteurs. Ils n’ont pas moins blessé les saines maximes de la politique, puisque, au lieu de simpli- Her la machine du gouvernement, ils l’ont composée, ils lui ont ‘ donné des ressorts étrangers, superflus; et, Passujettissant a deux mobiles diiférents, souvent contraires, ils ont causé les tiraillements qu’on sent dans tous les Etats chrétiens ou l’on a fait entrer la reli- gion dans le systéme politique. Le parfait christianisme est l’institution sociale universelle ; mais, pour montrer qu’il n’est point un établissement politique, et qu’il ne concourt point aux bonnes institutions particuliéres, il fallait 6ter les sophismes de ceux qui mélent la religion a tout, comme une prise avec laquelle ils s’emparent de tout. Tous les établissements humains sont fondés sur les passions humaines, et se conservent par elles: ce qui combat et détruit les passions n’est donc pas propre a fortifier ees établissements. Comment ce qui détache les coeurs de la terre nous donnerait·il plus d’intérét pour ce qui s’y fait? comment ce qui nous occupe uniquement d’une autre patrie nous attacherait-il davan- tage a celle-ci? Les religions nationales sont utiles a l’Etat comme parties de sa constitution, cela est incontestable; mais elles sont nuisibles au genre humain, et méme a l’Etat dans un autre sens: j’ai montré comment et pourquoi. (1) Act., x, 35.