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Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/80

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l LIVRE I. — CHAP. IV. 23 de guerre ne pouvant naitre des simples relations person- nelles, mais seulement des relations réelles, la guerre privée ou d’homme a homme ne peut exister, ni dans l’état de nature ( 1), ou il n’y a point de propriété constante, ni dans l’état social, ou tout est sous Pautorité des lois. Les combats particuliers, les duels, les rencontres, sont sédition, ce qui est un des plus utiles travaux auxquels un homme dési- reux du bien public puisse occuper sa pensée... Je mets d'abord pour premier principe que Pexpérience fait connaitre a chacun et que personne ne nie, que les esprits des hommes sont de cette nature que si ils ne sont retenus par la crainte de quelque commune puis- sance, ils se craindront les uns les autres, ils vivront entre eux en une continuelle défiance et comme chacun aura le droit d’cmployer ses propres forces a la poursuite de ses intérets, il en aura aussi nécessairement la volonté... Je fais voir premierement que la condition des hommes hors de la société civile (laquelle condition permettez-moi de nommer l’état de la na- ture), n‘est autre que celle d’une guerre de tous contre tous, et que durant cette guerre, il y a droit général de tous sur toutes choses. Ensuite, que tous les hommes désirent, par une nécessité naturelle, de se tirer de cet odieux et misérable état des qu’ils en reconnaissent la misere. Ce qu’ils ne peuvent pointfaire, s’ils ne conviennent entre eux de céder de leurs préten- tions et de leur droit sur toutes choses, ‘ Apres cela, ie montre quels droits il faut que chaque particulier qui entre dans la société civile cede nécessairement au souverain (soit que toute l’autorité soit donnée A un seul homme ou ia une assemblée), de sorte, que s’il n’en était fait transaction, il n’y aurait aucune société établie, et le droit de tous sur toutes choses, c°est-a·dire le droit de guerre demeu- rerait encore. Encore que j’aie taché de persuader par quelques raisons que i’ai mises dans le dixiéme chapitre que la monarchic est plus commode que les autres formes de gouvernement(laqueIle seule chose i’avoue que ie n’ai pas démontrée dans ce livre,mais soutenue avec probabilitéetavouée comme problématique), toutefois ie dis assez expressément en divers endroits qu’il faut donner a toutes sortes d’Etats une égale et souveraine puissance. Mox·rr-ssqumu, Esprit des Iois, liv. I, chap. 11. — Le désir que Hobbes donne d’abord aux hommes de se subiuguer les uns les autres n’est pas rai- sonnable. L’idée de l’empire et de la domination est si compliquée et dé- pend de tant d’autrcs idées que ce ne serait pas celle qu’on aurait d’abord. (r) Ams·ro·r1:, Politique, liv. I, chap. m. — D’autres (hommes) subsis- tent de proie... Aussi la guerre est-elle encore en quelque sorte un moyen naturel d’ac- quérir, puisqu’elle comprend cette chasse que l’on doit donner aux bétes fauves et aux hommes qui, nés pour obéir, refusent de se soumettre; c’est une guerre que la nature elle-méme a faite légitime.

 La politique méme ne fait pas les hommes; elle les prend tels que la

nature les lui donne et elle en use.