Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/82

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I LIVRE I. - CHAP. IV. 25 ( biens des particuliers; il respecte des droits sur lesquels sont fondés les siens. La fm de la guerre étant la destruction de l’Etat ennemi, on a droit d’en tuer les défenseurs tant qu’ils ont les armes a la main; mais sitot qu’ils les posent et se rendent, cessant d’€tre ennemis 0u instruments de l’ennemi, ils redeviennent simplement hommes, et l’on n’a plus de droit sur leur vie. Quelquefois on peut tuer l’Etat sans tuer un seul de ses membres I or la guerre ne donne aucun droit qui ne soit nécessaire it sa fin. Ces principes ne sont pas ceux de Grotius; ils ne sont pas fondés sur des autorités de poetes; mais ils dérivent de Ia nature des choses et sont fondés sur la raison (1). A l’égard du droit de conquéte, il n’a d’autre fondement que la loi du plus fort. Si la guerre ne donne point au ` vainqueur le droit de massacrer les peuples vaincus, ce droit qu’il n’a pas ne peut fonder celui de les asservir. On v n’a le droit de tuer l’ennemi que quand on ne peut le faire esclave; le droit de le faire esclave ne vient donc pas du droit de le tuer: c’est donc un échange inique de lui faire acheter au prix de sa liberté sa vie, sur laquelle on n’a aucun droit(2). En établissant le droit de vie et de mort sur (t) Gnortus, Du Droit de Ia Guerra et de la Paix, liv. III, chap. vu. —- Si l’on peut réduire a un esclavage personnel chaque particulier du parti de l’ennemi qui est tombé entre nos mains, comme nous venons de le faire voir dans le chapitre précédent, il n’y a pas lieu de s’étonner que l’on puisse aussi imposer a tout le corps des ennemis, soit qu’il fasse un Etat entier ou SCUICHIEDI p8l`tlC de YEIRI, UDB Sl1iétl0l'l OU PUYCHICHI ClVll8 OU pI.lI'¢H1Bl‘I despotique ou qui tienne de l’une et de l'autre. C’est le raisonnement que Séneque le pere mit dans la bouche d’un rhéteur plaidant pour le maitre d’un esclave olynthien. a Il avait été pris par droit de guerre, dit-il, ie l’ai acheté. ll est de votre intérét, 6 Athéniensl de me maintenir dans mes droits, autrement il faudrait que vous vous réduisissiez aux anciennes limites dc votre Etat en rendant tout ce que vous avez conquis. » (2) Boom, La République, liv. I, chap. v. — De dire que c’est une charité louable garder le prisonnier qu’on peut tuer, c’est la charité des voleurs et corsaires qui se glorifient d`avoir donné la vie in ceux qu’ils n’ont pas tués. . Encore moins y a de charité de garder les captifs pour en tirer gain et protit comme de bestes. Et qui est celui qui épargnc la vie du vaincu, s‘il en peut tirer plus de profit en le tuant qu’en lui sauvant la vie?.· .