Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/85

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28 DU CONT RAT SOCIAL. cut-il asservi la moitié du monde, n’est°toujours qu’un par- ticulier; son intérét, séparé de celui des autres, n’est tou- jours qu’un intérét privé. Si ce meme hommevient A périr, · son empire, aprés lui, reste épars et sans liaison, comme ufl chéne SC dlSSOl.1t et tombe en ut! tas de C€¤dI‘CS apfés que le feu l’a consumé (1). Un peuple, dit Grotius, peut se donner A un roi (2). Selon nuelle contre tous... Loin que le peuple en cet état soit souverain, il n’y a méme pas de peuple en cet état. ll peut bien y avoir des familles et encore mal gouvernées et mal assurées, il peut bien y avoir une troupe, un amas de monde, une multitude confuse, mais il ne peut y avoir de peuplc, parce qu’un peuple suppose déjA quelque chose qui réunisse quelque conduite réglée et quelque droit établi... C’est néanmoins du fond de cette anarchie que sont sorties toutes les formes de gouvernement, la monarchic, l`aristo- cratie, l’état populaire et les autres,et c‘est ce qu’ont voulu dire ceux qui ont dit que toutes sortes de magistratures et de puissances légitimes tenaient originairement de la multitude ou du peuple. Mais il ne faut pas conclure de lA avec M. Jurieu, que lc peuple, comme un souverain, ait distribué les pouvoirs A un chacun; car, pour cela, il faudrait déjA qu’il y eut un souve- rain ou un peuple réglé que nous voyons qui n`était pas. ll ne faut pas non plus s’imaginer que la souveraineté ou la puissance publique soit une chose comme subsistante, qu’il faille avoir pour la donner; elle se forme et résulte de la cession des particuliers lorsque, fatigués de l’état ou tout le monde est le maitre, et ou personne· ne l’est, ils se sont·persuadés de re- noncer A ce droit qui mct tout en confusion, et A cette liberté qui fait tout craindre A tout le monde, en faveur d`un gouvernement dont on convient. (n) Spinoza, Tractatus politicus. -— Civitas, cuius subditi metu territi arma non capiunt potius dicenda est quod sine bello est quam quod pacem habeat. Pax enim non belli privatio sed virtus est qua: ex animi fortitu- dine oritur; est namque obsequium constans voluntas id exsequendi quod ex communi civitatis decreto iieri debeat. Illa prmterea civitas cujus pax a subditorum inertia pendet, qui scilicet veluti pecora ducuntur, ut tantum servire discant, rectius solitudo quam civitas dici potest. (2) Gnorxus, Du Droit de la Guerre et de la Paix, liv. I, chap. nr. — Ici il faut d’abord rejeter l’opinion de ccux qui prétendent que la puissance souveraine appartient toujours et sans exception au peuple, en sorte qu’il ait droit de réprimer et de punir les rois toutes les fois qu’iIs abusent de leur autorité. ll n’y a point de personne sage et éclairée qui ne voie com- bien une telle pensée a causé de maux et en peut encore causer si une fois les esprits en sont bien persuadés. Voici les raisons dont je me sers pour la réfuter... ll_ est permis A chaque homme en particulier de se rendre esclave de qui il veut... pourquoi done un peuple libre ne pourrait-il pas se soumettre A ‘ une on plusieurs personnes, en sorte qu’il leur transférat entiérement le droit de gouverner sans s’en réserver aucune partie? ll ne servirait A rien de dire qu’on ne presume pas un transport de droit si étendu, car il ne MA