Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/96

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( LIVRE I. — CHAP. VIII. 5g d’étre libre; car telle est la condition qui, donnant chaque citoyen a la patrie, le garantit de toute dépendance person- nelle; condition qui fait l`artifice et le jeu de la machine politique, et qui seule rend légitimes les engagements civils, lesquels, sans cela, seraient absurdes, tyranniques, et sujets aux plus énormes abus (1). CHAPITRE VIII DE L’IiTAT CIVIL Ce passage de l’état de nature a l’état civil produit dans l’homme un changement tres remarquable, en substituant dans sa conduite la justice a l’instinct, et donnant at ses actions la moralité qui leur manquait auparavant (2). C’est alors seulement que la voix du devoir succédant a l’impul- sion physique, et le droit a l’appétit, l’homme, qui jusque·la n’avait regardé que lui-méme (3), se voit forcé d’agir sur (1) Bossuar, Politique tirée de l’LiIcriturc Sainte, liv. I, art. 3. — De tout cela il résulte qu’il n’y a point de pire état que l’anarchie, c’est-A-dire l’état ou il n’y a point de gouvernement ni d’autorité. Oi1 tout Ie monde peut faire cc qu’iI veut, nul ne fait ce qu’il veut;oi1 il n’y a point de maitre, tout le monde est maitrc;oi1 tout le monde est maltre, tout le monde cst esclave. . (2) Buanauaqut, Principcs du Droit politique, liv. I. — La liberté civile Pemporte de beaucoup sur la liberté naturelle, ct par conséquent I’état civil qui l’a produit est de tous les états de l’homme le plus parfait et, a parler exactement, le véritable état naturel de l’homme... L’étab1issement d’un gouvernement et d’une puissance souveraine, ra- mcnant les hommes a l’obscrvation des lois naturelles et par conséqucnt dans la route du bonheur, les fait rentrer dans leur état naturel, duquel ils étaient sortis par le mauvais usage qu’ils faisaient de leur liberté. l (3) Amsrors, Politique, liv. I, chap. 1. -— On ne peut douter que l‘Etat ne soit naturellement au-dessus de la famille et de chaque individu, car le tout l’emporte nécessairement sur la partie, puisque le tout une fois dé- truit il n’y a plus de partie. l Ce qui prouve bien la nécessité de I’Etat et sa supériorité sur l’individu, c’est que s’il ne l’a_dmet pas, 1’individu peut alors se suffirc in lui-meme dans I’isolement du tout, ainsi que du restc des parties; or celui qui ne peut vivre en société ct dont Pindependance n’a pas de besoins, celui-la ne sau- rait jamais étre inembre de l‘Etat. C’est une brute ou un dieu.